« Lindsay, la mécanique du harcèlement », sur France 2 : enrayer l’engrenage grâce à la parole

FRANCE 2 – JEUDI 7 NOVEMBRE À 21 HEURES – DOCUMENTAIRE
Le 12 mai 2023, Lindsay, 13 ans, s’est suicidée parce qu’elle n’a pas trouvé d’autre solution pour mettre fin au harcèlement ignoble dont elle était victime depuis plus d’un an. Dans un documentaire évidemment poignant mais aussi très efficace, le réalisateur Félix Seger a reconstitué les faits, depuis le moment où Lindsay a été prise en grippe par quatre collégiennes, à la rentrée scolaire 2022.
Insultes répétées, mise en ligne de vidéos, agression physique… Les récits de sa mère, Betty, de son parrain, Corentin Gervois, de sa meilleure amie, Maïlys, et de la mère de Maïlys témoignent des faits qui vont mener à cette mort qui n’aurait pas dû avoir lieu, comme le souligne la chanteuse Jenifer, à la narration. Ils sont décryptés par des journalistes, des psychologues, des investigateurs et Pierre Debuisson, l’avocat de la famille, puisque l’affaire est toujours en cours.
En parallèle – ce qui décuple son intérêt –, le documentaire retrace la lente prise en compte du harcèlement scolaire en France, longtemps vu comme des « gamineries » ou comme un rite de passage formateur, jusqu’à ce qu’il soit considéré comme un délit depuis 2022.
En attestent, en introduction, de très brefs extraits de témoignages des chanteurs Louane, Clara Luciani et Christophe Willem. « J’allais voir le surveillant, je lui disais que je m’étais fait tabasser et il me répondait : “En même temps, t’es un peu efféminé” », se souvient ce dernier.
Trois autres interventions structurent la suite du film. Tout d’abord celle de Charlie, enfant surdoué, que l’on découvre en 1999, sur le plateau de « La Vie à l’endroit », présenté par Mireille Dumas. Face à elle, il explique calmement l’enfer qu’il a subi en 6e et 5e : « Je me faisais poursuivre, lapider parfois. » Or, le réalisateur a retrouvé Charlie Garcia, aujourd’hui âgé de 37 ans. Lui aussi a tenté de se suicider à 13 ans, avant de se réfugier dans le dessin et l’écriture pour « passer le cap et entrer au lycée ».
Ensuite Philippe, qui a intégré le GIGN à 25 ans, après avoir été harcelé du CP au CE2, pour son look atypique et parce qu’il était premier de la classe. Jusqu’au moment où il a surréagi… Un témoignage différent.
Enfin, Océane, jeune fille harcelée qui, comme Lindsay, a écrit une lettre d’adieu, trouvée par chance à temps par sa mère, Marie. En réaction, Marie va publier la lettre sur Facebook, avec un message de mise en garde. Et l’effet est immédiat. Dès le lendemain, elle est reçue par le proviseur, son adjoint, la police… Et une solution est trouvée.
Même si Océane reste fragile, cet exemple interroge. En utilisant un réseau social, alors que les réseaux sociaux constituent le vecteur essentiel des harceleurs, elles ont bénéficié de l’instantanéité du Web ; quand les démarches classiques auprès des établissements scolaires ou de la police sont, par nature, très lentes.
Le documentaire tient toutefois à souligner les « avancées », avec un reportage dans un collège de Chamonix (Haute-Savoie), où des cours de sensibilisation portent leurs fruits. Mais on reste sans voix en apprenant que le harcèlement ne s’est pas arrêté à la mort de Lindsay. Alors qu’elle se trouvait au funérarium, Betty, sa mère, a reçu un message : « Ça va, ça y est, elle est crevée ta fille. » Quatre jeunes filles sont mises en examen.
Lindsay, la mécanique du harcèlement, documentaire de Félix Seger (Fr., 2024, 90 min), suivi d’un débat animé par Julian Bugier.
Catherine Pacary
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